Au Malawi, les mères apprécient le premier vaccin contre le paludisme
En avril 2019, Gilimbeta s’est rendue avec sa fille Lusitana
dans un centre de santé rural proche de Lilongwe, au Malawi, pour la faire
vacciner. À l’époque, elle était loin de penser que son bébé de 5 mois allait
entrer dans l’histoire et devenir le premier nourrisson à recevoir le premier
vaccin antipaludique au monde (RTS,S/AS01, ou RTS, S) dans le cadre du
Programme de mise en œuvre de la vaccination antipaludique coordonné par l’OMS.
Le lancement du projet pilote de mise en œuvre du vaccin
antipaludique au Malawi, suivi par son introduction au Ghana et au Kenya peu de
temps après, a constitué une avancée capitale : c’était la première fois qu’un
vaccin antipaludique permettrait de protéger les enfants contre l’un des plus
grands risques pour leur santé grâce au programme national de vaccination.
Aujourd’hui, Lusitana a 4 ans, c’est une petite fille
énergique et attachante. Elle aime jouer avec ses poupées fabriquées à la main.
Elle a récemment commencé l’école maternelle et se réjouit de chanter la
chanson du « calendrier » sur les mois de l’année.
« Depuis qu’elle est vaccinée, elle n’a jamais contracté le
paludisme, c’est une enfant heureuse et en bonne santé », a déclaré sa mère
Gilimbeta, enceinte de son troisième enfant, dont elle anticipe recevra le
schéma complet de quatre doses du vaccin antipaludique, comme sa soeur.
Dans un pays où le paludisme reste la principale cause de
maladie et de mortalité infantile, le futur de Lusitana aurait pu être tout
autre.
« Le paludisme est assez répandu au Malawi, » explique le
docteur Mike Chisema, responsable de la vaccination et directeur adjoint des
services de santé préventive au ministère de la Santé du Malawi. « La plupart
des enfants connaîtront plusieurs épisodes de paludisme par an, chacun pouvant
évoluer vers une forme grave de la maladie, potentiellement mortelle. »
Acceptation par la communauté et impact
Grace a récemment suivi l’exemple de Gilimbeta. Un matin,
elle a quitté tôt son domicile pour entamer une marche de 40 minutes vers le
centre de santé, en empruntant un chemin de terre à voie unique entouré de
champs de maïs. Sa plus jeune fille Beauty emmaillotée sur le dos, Grace a
salué voisins et amis tout au long du chemin, évitant ici et là les flaques
d’eau laissées par la forte averse de la nuit.
Malgré le risque d’averses, elle voulait à tout prix ne pas
manquer le bilan de santé mensuel de Beauty pour la faire peser, examiner et
vacciner. Ce jour-là, Beauty allait recevoir sa troisième dose de vaccin contre
le paludisme.
« J’ai contracté le paludisme et mes autres enfants aussi, »
explique Grace. « Chaque fois qu’un parent ou un enfant est malade, c’est toute
la maison qui est affectée – je ne peux pas aller travailler, mon mari ne peut
pas aller travailler. Je vois vraiment la différence [depuis que Beauty est
vaccinée] ; les autres enfants contractent [le paludisme], mais pas [Beauty]. »
Sur son chemin, Grace s’est arrêtée pour discuter avec
Wezzie Phiri, une employée de santé communautaire. Outre son travail au centre
de santé, Wezzie est aussi chargée de rendre visite à des familles comme celle de
Grace, à leur domicile, pour leur fournir des informations sur la santé, et
s’assurer que les enfants sont à jour de leurs vaccinations.
Depuis que le vaccin antipaludique a été introduit dans la
région, Wezzie a remarqué une différence dans la communauté. « Cela a beaucoup
aidé la communauté et le centre de santé, » explique-t-elle. « Comme la plupart
des parents peuvent emmener leurs enfants se faire vacciner contre le
paludisme, le nombre d’enfants malades qui se rendent au centre a vraiment
diminué. »
Pour Wezzie, l’histoire du vaccin contre le paludisme a
également une connotation personnelle : « J’ai deux filles. La première n’a
jamais été vaccinée. Mais ma petite dernière a reçu les quatre doses et je peux
voir la différence, » admet-elle. « Avec la plus âgée, c’était toujours une
lutte, elle attrapait le paludisme tous les deux mois. Mais la petite, elle a
reçu toutes ses doses, et ça s’est bien passé. »
Devenir routinier
Fin novembre 2022, le gouvernement du Malawi a annoncé son
intention d’élargir l’utilisation du vaccin contre le paludisme dans les 11
districts qui ont participé au programme d’introduction pilote.
La décision fait suite à la recommandation de l’OMS
d’octobre 2021 sur l’utilisation du vaccin antipaludique pour prévenir la maladie
chez les enfants, et s’appuie également sur l’expérience positive du Malawi.
Dans son discours liminaire annonçant l’élargissement,
l’honorable secrétaire à la Santé du Malawi, le docteur Charles Mwansambo, a
déclaré que la vaccination antipaludique « joue un rôle important dans
l’histoire du combat contre le paludisme, non seulement au Malawi, mais dans le
monde entier ».
Près de quatre ans plus tard, plus de 400 000 enfants du
Malawi ont reçu au moins une dose de vaccin. Lorsqu’il est utilisé avec d’autres
outils de prévention du paludisme, notamment des moustiquaires imprégnées
d’insecticide, le vaccin a prouvé sa capacité à réduire nettement les formes
graves de paludisme et la mortalité infantile toutes causes confondues.
« Le paludisme tue, mais il existe maintenant un vaccin dont
nous savons qu’il est efficace et qu’il peut être mis en œuvre. Quand toutes
les doses sont administrées, nous savons qu’il prévient les formes graves de
paludisme », a expliqué le docteur Don Mathanga, qui dirige l’évaluation de
l’utilisation du vaccin antipaludique en santé publique au Malawi, au Collège
de médecine de l’Université du Malawi.
Le centre de santé de Kawale dans le district de Lilongwe se
trouve dans une zone où le vaccin antipaludique est depuis peu disponible à
travers le programme de vaccination des enfants. L’accès au vaccin est
rapidement devenu un élément normal du programme.
« Les mères sont satisfaites du vaccin contre le paludisme
et se présentent avec leurs bébés pour les faire vacciner », explique le
docteur Mike Chisema.
Une demande sans précédent en Afrique
Depuis 2019, plus de 1,4 million d’enfants ont été vaccinés
contre le paludisme dans les trois pays pilotes. Le vaccin s’est avéré sûr et
efficace, et son impact est important sur la santé publique. Mis en œuvre à
l’échelle mondiale, il pourrait sauver des dizaines de milliers de vies chaque
année.
La demande de vaccin antipaludique est sans précédent : au
moins 28 pays d’Afrique prévoient de solliciter le soutien de Gavi pour
introduire le vaccin. L’OMS et ses partenaires s’efforcent d’augmenter
l’approvisionnement en vaccins aussi rapidement que possible afin de protéger
les enfants les plus vulnérables et sauver plus de vies.