Cameroun : les médicaments traditionnels ont le vent en poupe !
L’usage du médicament
traditionnel prend une ampleur considérable au Cameroun. Dans certains hôpitaux
publics et privés, médecins modernes et tradipraticiens de santé travaillent en
collaboration pour soigner les cas jugés délicats. Pourtant, la médecine
traditionnelle demeure un sujet tabou dans l’imagerie populaire. Elle est
ancrée dans la culture africaine. Malgré ses inconvénients, elle attire
toujours des foules.
Selon l’Organisation Mondiale de
la Santé (OMS), 80% des populations rurales vivant dans les pays en
développement sont tributaires de la médecine traditionnelle pour leur besoin
de santé primaire.
L’Afrique a célébré le 31 août dernier, la journée africaine de la médecine
traditionnelle sous le thème : « Le rôle des tradipraticiens dans les soins de
santé primaire ». Derrière ce intitulé, apparaît une volonté des dirigeants
africains de promouvoir la médecine traditionnelle tout en veillant à ce que ce
système de santé soit réglementé et contrôlé pour un meilleur suivi médical des
malades.
Les problèmes de diagnostic et de
posologie
De nombreux ménages camerounais
recourent en premier lieu à la médecine traditionnelle en cas d’ennuis de
santé. La pauvreté ambiante ne facilite pas l’accès aux soins et une importante
couche de la société vit au rythme des traditions. Pourtant, le tradipraticien
de santé ne possède pas toujours tous les moyens pour diagnostiquer et soigner
le mal dont souffre son patient.
Esther est une camerounaise vivant en Europe. Pour elle, il n’y a aucun doute
sur la valeur curative de la médecine traditionnelle. « Le problème, c’est
qu’on ne sait sur quelle base le traditipraticien prescrit ses potions. Le
dosage n’est pas sûr et parfois, on contracte d’autres maladies car les
conditions d’hygiène ne sont pas toujours réunies. »Le problème se pose encore
plus quand le médicament prescrit par le tradipraticien est supposé traiter
plusieurs maux. Un même produit soigne une dizaine d’affections : syphilis,
paludisme, chlamydia, mal de dos, mal de reins, éjaculation précoce, faiblesse
sexuelle, mal de dents…
Des ventes tous azimuts
Ces remèdes aux multiples vertus
sont disponibles dans tous les coins de rue de la capitale camerounaise. Njoya
Abdoul est tradipraticien depuis de longues années. Il est installé comme
certains de ses collègues au rond point de la poste centrale de Yaoundé. Initié
dès son jeune âge par sa grand-mère, il cherche ses écorces dans la forêt.
Grâce à ses écorces, il dit soigner : la chlamydia, la syphilis, le mal
d’estomac, la faiblesse sexuelle, les trompes bouchées, le mal de dos et de
reins. Dans les transports interurbains, les produits issus de la médecine
traditionnelle, ils ont envahi les bus sur les grands axes routiers. Avec la
complicité des chauffeurs, ils font la promotion de leurs produits aux
passagers et très souvent font de grosses ventes dans ces moyens de transport.
Des méthodes de consultation et de traitement que fustigent et condamnent les
médecins modernes.
Le médicament traditionnel
amélioré
Lors de la journée de la médecine
traditionnelle, le 31 août dernier, la promotion du médicament traditionnel
amélioré a été évoquée. Si l’efficacité du médecin traditionnel est avérée,
l’infrastructure pour la production locale reste au stade embryonnaire. Des
tradipraticiens conditionnent leurs préparations médicamenteuses sans assurance
de qualité et du respect de bonnes pratiques. Dans le secteur privé de la
médecine traditionnelle au Cameroun, il existe déjà trois laboratoires tenus
par des pharmaciens de renom et dont les médicaments traditionnels améliorés
sont mis sur le marché, pour le traitement entre autres des hépatites, des maux
gastriques, des hémorroïdes et des problèmes dermatologiques.Toutefois, beaucoup
reste à faire dans le domaine de la médecine traditionnelle pour améliorer la
qualité des produits et leur conservation.
Que pensent-ils de la médecine traditionnelle ?
Victorine Neme, étudiante : « Je pense que
les Africains devraient plus souvent recourirs à la médecine traditionnelle
parce que c’est à base des plantes qu’on fait le médicament moderne. Cependant,
la manière dont le produit est fabriqué et utilisé par le charlatan n’est pas
rassurante. Pourtant, si le tradipraticien s’y met véritablement, la médecine
traditionnelle sera meilleure, car elle est abordable. J’ai perdu un parent
chez un tradipraticien. Mais je ne remets pas en cause cette médecine car on
meurt également à l’hôpital. Tout comme j’en connais qui ont trouvé la guérison
chez le tradipraticien. »
Jean Pierre Ndjamou, cadre dans
l’administration : « La médecine
traditionnelle est réelle et effective. Le fait de consommer les produits sans
avoir la posologie appropriée est un handicap de ce système de santé. Certains
tradipraticiens associent des médicaments dont ils ne peuvent pas apprécier le
dosage ni l’impact sur le mal qu’ils sont en train de soigner. Mais c’est clair
: grâce aux plantes médicinales, on enraye beaucoup de maladies. Il faut aider
les tradipraticiens à faire un meilleur travail. »
Arnauld Style White, artiste : « La médecine traditionnelle est une très bonne chose. Moi, je
n’ai connu les hôpitaux qu’à l’age adulte. Tout se passait chez le
traditipraticien. Le problème c’est la posologie, le dosage des produits qui
n’est pas toujours maîtrisé. Les tradipraticiens gagneraient à travailler avec
plus de sérieux et de rigueur. »