Lait infantile : les promesses des industriels étrillées par une étude scientifique

Digestion, sommeil, douleur… Les arguments omniprésents sur les boîtes de lait infantile sont majoritairement basés sur un vide scientifique. Ce marketing trompeur peut avoir des incidences néfastes sur la santé des nouveau-nés et de la mère.

Huit mois après la publication d’une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un nouveau travail scientifique démonte les arguments commerciaux des marques de lait infantile. La grande majorité des arguments de santé vantés par les fabricants de laits artificiels pour nourrissons se révèlent infondés. La moitié des produits étudiés ne sont reliés à aucun ingrédient spécifique. Les trois-quarts ne mentionnent aucune référence scientifique prouvant les prétendus bienfaits.

 

Une qualité de sommeil optimale, un cerveau plus rapide, une digestion facilitée… Toutes ces promesses qui s’exhibent à gros trait sur les paquets se révèlent être des arguments marketing basé, pour la majorité des produits, sur du vide. "Il est clair que la plupart des parents sont exposés à la commercialisation des préparations pour nourrissons pendant la grossesse ou la période postnatale et sont souvent induits en erreur par des allégations", estiment les auteurs de l’étude parue ce jeudi 16 février dans le British Medical Journal.

Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe internationale de chercheurs mobilisés sur cette recherche a examiné les arguments de santé mis en avant pour 608 produits dans quinze pays. Parmi eux : l’Inde, le Nigeria ou encore le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Pas la France. La publication de cette enquête menée entre 2020 et 2022 survient une semaine seulement après une série d’articles parus dans la revue scientifique "The Lancet", appelant à durcir la réglementation imposée aux industriels, ce qui accroît la pression sur les pouvoirs publics.

L’allaitement naturel recommandé

Si Daniel Munblit, maître de conférences honoraire à l’Imperial College de Londres et coauteur de cette nouvelle étude, se défend de toute "croisade" contre les laits artificiels, il réclame un suivi plus rigoureux des arguments mis en avant. Seuls 14 % des produits examinés par le bataillon de chercheurs dont il fait partie ont fait l’objet d’essais cliniques enregistrés sur des humains. Un chiffre trop maigre qui s’avère de surcroît contesté. 90 % de ces essais reçoivent un financement en lien avec l’industrie, ajoute Daniel Munblit. Seulement quatre essais étudiés ne présentaient aucun conflit d’intérêts entre l’auteur et une firme.

Face au "manque de transparence" sur les allégations nutritionnelles et sanitaires de ces produits, le rapport invite les parents à privilégier l’allaitement maternel. Comme les associations First Steps Nutrition Trust ou l’Unicef, Daniel Munblit et ses collègues louent son utilité. "Les avantages perçus des préparations industrielles pour nourrissons par rapport à l’allaitement maternel peuvent nuire à l’allaitement. Or on estime que l’allaitement maternel sous-optimal entraîne chaque année environ 600 000 décès d’enfants par pneumonie et diarrhée et 100 000 décès maternels par cancer de l’ovaire ou du sein", détaille l’étude.

L’emballage neutre désiré

Le lait artificiel doit toutefois rester une option proposée aux mères ne pouvant ou ne souhaitant pas allaiter aux yeux de Daniel Munblit. Il ne demande donc pas son interdiction mais appelle plutôt la mise en place d’emballages neutres. L’initiative permettrait de ne pas retirer des rayons des supermarchés un produit largement consommé à travers le monde tout en réduisant les effets d’un marketing parfois trompeur. Le rapport souligne également les progrès réalisés ces dernières années dans "la mise en œuvre des exigences obligatoires en matière de composition et d’information pour les préparations pour nourrissons" et appelle donc les industriels à revoir leur copie sur le volet commercial.