Les enfants atteints du diabète de type 2 ont plus de risque de développer des problèmes aux yeux
Si le
diabète de type 1 n'est pas évitable, le diabète de type 2 est fortement
associé au mode de vie et la progression des cas dans la population juvénile a
de quoi inquiéter les professionnels de santé. Les petits patients ont plus de
risque de développer, à plus ou moins long terme, diverses formes de
rétinopathies, voire des cataractes, avec des graves conséquences sur leur
vision.
Karl, 16 ans, est mon patient depuis peu. Quand nous nous
sommes rencontrés, il m'était référé pour vision fluctuante. Après examen, j'ai
identifié des signes qui évoquent la présence du diabète, ce qui pouvait
expliquer son problème de vision variable. Ce soupçon s'est transformé en
réalité lorsque son médecin de famille a confirmé le diagnostic de cette
maladie. Le monde de Karl venait alors de changer.
Comme optométriste, je vous invite à plonger dans cette
réalité qui doit tous nous préoccuper.
Le diabète, c’est quoi ?
Le diabète est une maladie insidieuse. Ses symptômes (soif,
besoin d'uriner souvent, fatigue, perte de poids, zones de peau plus foncées au
cou et aisselles) passent souvent inaperçus, du moins aux étapes précoces de la
maladie. Le diabète affecte la vie d'une personne sur 14 au Canada (7 %) et une
sur dix en Amérique du Nord (10 %).
Deux types de diabète peuvent être diagnostiqués :
Le type 1, dit insulinodépendant, qui se développe lorsque le
corps ne peut pas produire l'insuline nécessaire à métaboliser les sucres que
l'on ingère et qui nourrissent nos tissus ;
Le type 2, qui apparaît lorsque l'insuline est bien produite,
mais en quantité insuffisante. Il arrive également que l'insuline produite soit
inefficace à remplir son rôle.
Le diabète de type 1 est habituellement associé au
développement de la maladie durant l'enfance et l'adolescence. Le type 2, soit
le plus fréquent, se manifeste quant à lui généralement plus tard dans la vie,
souvent après 50 ans.
Un diagnostic contre-intuitif, mais pas si rare
Suivant cette définition, il serait logique de penser que
Karl présente un diabète de type 1, dont l'évolution et le traitement sont bien
maîtrisés par les médecins. Or, dans son cas, et après les examens requis, le
médecin a identifié un type 2. Ce diagnostic, contre-intuitif, pose des défis
importants. La rapidité d'apparition, la sévérité initiale de l'atteinte et les
mécanismes de résistance ou de sécrétion réduite de l'insuline pourraient être
différents chez les patients qui développent la maladie à un âge plus jeunes
par rapport aux adultes.
De plus, les traitements envisagés deviennent plus complexes,
avec des essais et erreurs, en raison de la durée beaucoup plus longue de ce
type de maladie lorsqu'elle débute en bas âge. Les changements mineurs et
majeurs qui affectent les vaisseaux sanguins chez le patient diabétique de type
2 peuvent générer des conséquences graves qui sont difficiles à prévoir,
considérant une évolution se poursuivant durant 40 à 60 ans.
La situation de Karl n'est pourtant pas exceptionnelle. De
plus en plus de jeunes et d’adolescents, notamment ceux qui présentent un
surpoids, une obésité, et un niveau de sédentarité élevés, sont affectés par le
type 2. Près de 75 % d'entre eux ont des parents, ou des frères et sœurs
également diabétiques.
Si, à première vue, cela confirme la génétique comme facteur
de risque pour développer la maladie, il s'agit plutôt, dans ce cas précis,
d'une conséquence de mauvaises habitudes de vie, notamment alimentaires, et
d'une absence d’activités physiques souvent communes à toute la famille.
Des conséquences sur la vision
Le fait que Karl développe son diabète de type 2, plus tôt
que tard dans la vie, le place également à plus haut risque de développer des
complications oculaires. À cet égard, un article m'a récemment interpellé.
Cette étude a examiné les dossiers de 1 362 personnes diabétiques, vivant au
Minnesota, donc en Amérique du Nord. Les données ont été compilées entre 1970
et 2019, ce qui permet également de mesurer l'évolution de la situation au
cours des dernières décennies.
“Les problèmes majeurs surviennent beaucoup plus rapidement
chez les jeunes diabétiques de type 2 que ceux affectés du type 1”
Les résultats étonnent : les jeunes diabétiques de type 2 (en
comparaison à ceux type 1 du même âge) ont 88 fois plus de risque de développer
une rétinopathie (vaisseaux sanguins anormaux et/ou hémorragies dans la
rétine). Par ailleurs, le risque que cette dernière devienne « proliférative »,
et donc menaçante pour la vision, est augmenté de 230 fois. On observe
également une augmentation de 49 fois le risque d'accumulation de liquide dans
la rétine (œdème maculaire) et 243 fois le risque de développer une cataracte
mature à un âge encore jeune. Cette dernière nécessite une chirurgie davantage
risquée chez les jeunes que dans le cas de cataractes séniles liées à l'âge.
Que faut-il retenir ? Que les problèmes majeurs, et qui
nécessitent souvent des interventions chirurgicales pour sauver la vision,
surviennent beaucoup plus rapidement chez les jeunes diabétiques de type 2 que
ceux affectés du type 1. Il faut donc suivre ces patients de plus près. En
effet, près d'un patient sur deux souffrant de type 2 présentera une forme ou
l'autre de rétinopathie, de 1 à 8 ans suivant le diagnostic de sa condition. En
comparaison, chez les diabétiques de type 1, c'est 1 patient sur 3 qui sera aux
prises avec une rétinopathie, de 6 à 10 ans suivant le diagnostic.
Des répercussions non négligeables
Déjà en fulgurante progression durant les 10 dernières
années, on prévoit que la prévalence (nombre de cas) de diabète de type 2 chez
les jeunes sera quadruplée d’ici 2050. Cette prévision est des plus alarmantes
pour les professionnels de la santé, mais aussi pour les décideurs et les
gestionnaires des agences de santé publique. Le coût à vie des soins médicaux
directs engendrés pour un seul patient diabétique âgé de 25 à 44 ans était de
125 000 dollars américains en 2013. Ces coûts ont depuis augmenté ; et il faut
y ajouter de nombreux dollars pour couvrir la période entre 15 et 25 ans, qui
n'est pas prise en compte. Si 20 % de la population juvénile développe le
diabète en 2050, ce sont des millions (milliards ?) de dollars en soins de
santé qui devront être consacrés à leurs soins par nos gouvernements.
La qualité de vie des personnes diabétiques, à long terme,
est également réduite. Une autre étude, menée auprès de jeunes diabétiques de
type 1 cette fois, révèle qu'ils démontrent un grand mécontentement face à leur
maladie. Ils doivent consacrer beaucoup de temps à leurs soins. Et le poids de
leur maladie sur leur entourage pèse lourdement sur leurs épaules. La peur de tomber
en hypoglycémie (manque de sucre pouvant entraîner un coma) ou de développer
des complications graves de la maladie les affecte également. L'atteinte de
l'autonomie est plus difficile pour ces adolescents, et leur qualité de vie est
proportionnelle à cette liberté qu'ils peuvent ou non exercer.
Bien manger, faire de l’exercice et visiter son optométriste
!
Le diabète de type 1 est difficilement évitable,
principalement parce qu'on ne connaît pas toutes les raisons de son apparition.
Or, la situation est différence pour celui de type 2, qui, chez les jeunes, est
fortement associé au mode de vie. Se nourrir sainement, faire de l'exercice
physique régulièrement, combattre la sédentarité, notamment en limitant le
temps d’écran (à moins de deux heures par jour), sont de bonnes manières
d'éviter ou de retarder l'apparition du diabète chez les jeunes. Le temps
d'écran est d'ailleurs associé à la résistance à l’insuline et à l’obésité chez
ces derniers. En d'autres termes, les saines habitudes de vie doivent être
encouragées et surtout partagées au sein du noyau familial.
Au plan oculaire, une visite régulière chez l'optométriste ou
l'ophtalmologiste permet de dépister les signes précoces des atteintes
diabétiques (des signes sont visibles dans près de 30 % des patients, peu après
le diagnostic). Ces professionnels de la santé peuvent également détecter
d'autres problèmes découlant de la maladie, comme la perte de capacité à faire
le focus au près (accommodation), la paralysie partielle de certains muscles de
l'œil entraînant une vision double, le retard dans la guérison des altérations
de surface de la cornée la sécheresse oculaire ou le glaucome. Des tests
doivent être effectués au moment du diagnostic médical du diabète, ou chez
toute personne qui présente un profil à risque (hérédité, obésité,
sédentarité).
Les saines habitudes de vie faisant partie intégrante du
traitement de la maladie, il n'est pas trop tard pour que l'avenir de Karl soit
des plus heureux. Mais il ne faut surtout pas oublier un suivi régulier par son
médecin et les visites fréquentes chez son optométriste de famille !