Acromégalie : la maladie qui déforme
L'acromégalie est provoquée par une production excessive
d'hormone de croissance. Elle entraîne une augmentation anormale de la taille
des pieds et des mains, ainsi qu'une déformation du visage. Les symptômes
évoluent très lentement et peuvent passer inaperçus, d'où l'utilité de les
repérer au plus tôt. Focus sur ce trouble hormonal qui impacte fortement la vie
sociale.
L’acromégalie est une pathologie endocrinienne rare et encore
méconnue du grand public. Ainsi, en 2021, la Haute Autorité de Santé (HAS)
estimait qu’elle concernait environ 60 personnes pour un million d’habitants.
La maladie survient le plus souvent vers l’âge de 40 ans et les femmes sont
légèrement plus touchées que les hommes. La probabilité d’être un jour
confronté à l’acromégalie est donc très faible.
Une pluralité de symptômes
L’acromégalie, parfois aussi nommée maladie de Pierre Marie
d’après le nom du médecin l’ayant décrite, est liée à une production excessive
d’hormone de croissance par l’hypophyse*. Dans plus de 95 % des cas, le
développement de la maladie est dû à un « adénome hypophysaire »,
c’est-à-dire une tumeur bénigne de l’hypophyse. Dans une minorité de cas, elle
peut être liée à une prédisposition génétique, notamment lorsqu’elle survient à
un âge plus jeune ou dans un contexte familial. « Cette sécrétion non
contrôlée de l’hypophyse peut survenir à tout âge de la vie avec des
manifestations différentes selon qu’elle se développe avant ou après la
puberté, insiste le Pr Raverot, endocrinologue et coordinateur du Centre de
référence des maladies rares de l’hypophyse (CRMR HYPO), à Lyon. Avant la
puberté, on parle de gigantisme. Après la puberté, ses conséquences se
manifestent non pas en termes de taille, mais par une modification lente et
sournoise de l’apparence physique qui tend vers une modification du visage et
un élargissement des extrémités au fil des années. »
Arcades sourcilières plus bombantes, traits épaissis, prognathisme**… Des
symptômes typiques de la maladie auxquels peuvent s’associer d’autres signes
beaucoup moins spécifiques. Comme, par exemple, un diabète, une hypertension artérielle, des apnées du sommeil, des sueurs nocturnes, des
céphalées, des fourmillements dans les mains avec syndrome du canal carpien, des douleurs articulaires
ou encore des troubles visuels…
Le dépistage de l’acromégalie est assez facile, puisqu’il repose sur une
prise de sang pour doser l’IGF-1 qui est produite par le foie sous contrôle de
l’hormone de croissance. En effet, en cas d’acromégalie, ces taux sont toujours
élevés. Mais faut-il encore y penser… « La rareté, l’évolution très lente,
et la multitude de symptômes pouvant être confondus avec d’autres maladies
brouillent le tableau clinique et font très souvent retarder de 5 à plus de
10 ans l’étape cruciale du diagnostic, essentielle à une prise en
charge thérapeutique efficace, déplore le Pr Raverot. Un diagnostic précoce
permettrait de limiter la sévérité de la dysmorphie dont le retentissement peut
être majeur sur la qualité de vie. Il permettrait aussi d’éviter des
complications et des atteintes parfois irréversibles qui peuvent notamment
toucher le nerf optique, favoriser des troubles cardio-vasculaires ou encore
une arthrose prématurée et souvent invalidante. »
Quels sont les traitements utilisés contre
l’acromégalie ?
La chirurgie est le traitement de référence. Elle ne peut
être réalisée que par des neurochirurgiens spécialisés dans la chirurgie de
l’hypophyse. Elle consiste à retirer l’adénome hypophysaire par voie nasale
mais certaines contraintes anatomiques ne permettent pas toujours de retirer
l’ensemble de l’adénome. La chirurgie permet de guérir 50 à 60 % des
patients.
Les traitements médicamenteux peuvent soit compléter la chirurgie, soit
la remplacer lorsqu’elle n’est pas envisageable. Ils permettent de réduire le
taux d’hormone de croissance ou d’empêcher son action périphérique sur les
tissus. Ils sont prescrits à vie.
Ainsi, des analogues de la somatostatine, hormone qui bloque la production de
l’hormone de croissance par l’hypophyse, sont efficaces chez la moitié des
patients. Leurs principaux effets indésirables sont les troubles
gastro-intestinaux (diarrhées, douleurs abdominales…).
Les dopaminergiques diminuent également la sécrétion de l’hormone de croissance
par la tumeur et sont efficaces en cas d’adénome peu sécrétant. Ils peuvent
présenter également des effets secondaires (nausées, vomissements,
hypotension…).
Enfin, le pegvisomant est une molécule qui rentre en compétition avec l’hormone
de croissance pour mieux enrayer son action. Il est généralement très bien
toléré mais n’a pas d’action directe sur l’adénome et impose des injections
sous cutanées quotidiennes.
Rarement prescrite en raison de ces effets secondaires potentiels, la
radiothérapie peut venir compléter le traitement médical et/ou chirurgical
pour contrôler les résidus de tumeur. Il existe maintenant des techniques qui
donnent accès à des rayonnements très ciblés afin de limiter aussi les effets
secondaires de ce type de traitement.
Comment se faire accompagner ?
La prise en charge est pluridisciplinaire et doit être
coordonnée par une équipe d’endocrinologie familière de cette pathologie, de
préférence dans le cadre des centres de
compétence ou de référence des maladies rares hypophysaires à
Angers, Lyon, Marseille ou Paris. La maladie peut avoir des conséquences sur
de nombreux organes. Aussi, à plus ou moins long terme, le patient peut
être orienté vers d’autres spécialistes comme un rhumatologue, un cardiologue,
un gastro-entérologue, un stomatologue, un pneumologue…
Le soutien psychologique ne doit pas être négligé. Les patients peuvent aussi
se tourner vers l’association Acromégales, pas
seulement. « Les patients acromégales sont assez isolés
et ont peu d’occasions de parler de leur pathologie. L’association a pour
objectif d’offrir un espace de rencontre et de soutien destiné à restaurer
l’image et l’estime de soi. Découvrir qu’on éprouve les mêmes difficultés et
voir comment chacun peut faire face aux modifications psycho-corporelles
induites par la maladie permet aussi d’accepter plus facilement sa différence
», conclut Catherine Lançon, présidente de l’association.
Vincent, 38 ans, atteint d’acromégalie
« J’ai vécu l’annonce du diagnostic comme un
soulagement »
En 2009, il y a d’abord cette rupture sentimentale qui
l’anéantit. Puis, c’est l’apparition soudaine de violentes céphalées que rien
ne semble parvenir à soulager. « Selon mon médecin de famille, je réagissais
violemment au stress et aux émotions trop fortes, notamment en raison d’un
terrain dépressif hérité de ma mère ». Vincent décide de consulter un psy. Mais
malgré la démarche, associée à un usage quelque peu immodéré de la codéine, les
céphalées ne cessent de s’intensifier… « J’avais l’impression que j’étais en
train de devenir fou et j’ai fini par aller consulter au centre
anti-douleur de l’Hôpital Lariboisière à Paris ». Après 5 ans d’errance
diagnostique et pas moins de 15 psys consultés, le verdict tombe enfin :
Vincent souffre d’acromégalie ! En 2016, il subit une ablation de
l’adénome hypophysaire. L’opération est une réussite, mais la maladie a laissé
des traces : une langue trop grande pour sa bouche qui provoque des apnées
du sommeil, des douleurs dans la mâchoire qui nécessiteront encore une
intervention chirurgicale, un traitement préventif contre le diabète… « Je sais
maintenant que je dois apprendre à vivre au quotidien avec des os et des
organes qui prennent trop de place dans mon corps. »
*L’hypophyse est une glande endocrine située sous le cerveau
en dessous de l’hypothalamus. C’est l’hypophyse qui sécrète l’hormone de
croissance, celle qui nous permet de grandir lorsque nous sommes enfants et
adolescents.
** Le prognathisme est une configuration du visage qui
présente une ou les deux mâchoires projetées en avant par rapport à la
verticale allant du front au nez.